14 janv. 2014

Hommage à Ben Van den Boom (1923-2014)


13 janvier 2014. "Le Seigneur a donné, Il a repris." Ben Van den Boom vient de quitter ce monde de suite d'une longue maladie, selon le message de Noël Manzanza. Paix à son âme!
Avec la mort du Père Bernard Van den Boom se tourne une page spéciale de l'histoire du diocèse de Kenge. Il a fait partie du premier tandem SVD qui a franchi les frontières du Congo-Belge le 10 octobre 1951 pour continuer l'oeuvre de l'évangélisation commencée par les missionnaires jésuites. Le jeune prêtre qui accompagne le patriarche Jean Van der Heyden qui deviendra quelques années plus tard Préfet Apostolique de Kenge ainsi que le Père Adrien Van Gorp, travaillera tour à tour à Beno, à Misay et à Kenge I. Ceux qui ont un certain âge se souviennent de sa "Missa Misay". C'est plutôt à Kenge qu'il accomplira sa première oeuvre la plus notable: les Petits-Chanteurs et Danseurs de Kenge entre 1964 et 1967, basés à la Paroisse Saint-Esprit. Avec ce groupe, il fera sortir un disque 33 Tours "Missa Kwango" et animera des représentations culturelles qui mettront Kenge sur la carte du Congo. Les Petits Chanteurs et Danseurs effectueront en 1967 des tournées en Europe, plus précisément en Belgique, en Italie, en Suisse et au Canada. Au retour de ce voyage, Ben Van den Boom s'installe à Kinshasa où il fonde le groupe Chem Chem Yetu au Carrefour des Jeunes. L'argent perçu de ces tournées a servi à la construction de l'école primaire des filles Ntetembo et Ntinu-Ngemba. Je dois avouer que j'ai suivi de très loin son évolution à Kinshasa. Quoi qu'il en soit, sa contribution à la culture de la RDC est énorme. Chem Chem Yetu est le berceau des musiciens de talent comme Donat Mobeti, Lokwa Kanza, Reddy Amisi, Pablo Bokunde de Zaiko Langa Langa ou le percussionniste Maître Nono Tsakala Manzanza.
J'ai eu une relation particulière avec le Père Bernard. C'est en juillet 1965 que j'avais fait la connaissance de ce talentueux musicien  à la paroisse Saint Esprit. J'étais venu à Kenge passer mes toutes premières vacances avec ma famille. La rue Kasai que j'habitais donnait directement sur la paroisse ou se situait dans le prolongement de la paroisse à quelques trois cent mètres. Ce qui m'a donné l'occasion d'y passer très souvent et jouer avec les autres enfants du quartier. Apôtre des jeunes, missionnaire dans le coeur et dans l'âme, le père Bernard mettait à notre disposition des jeux que je découvrais pour la première fois (domino, mensch, cartes de voitures, mille bornes, scrabble, moulin), des balles de football, basket ou volley. Nous pouvions les emprunter pour un ou deux jours et les remettre à son bureau. Il organisait aussi des projections de films: c'est dans la dernière salle du seul bâtiment résidentiel de Saint-Esprit que je vis pour la toute première fois un film. C'était un film de Charlot et Bourreau (sic). Le presbytère paroissial abritait les pères Frank Roelandts, Albin Schmitt, les abbés Denys Luhangu et Longin Makula.
Reparti vers Makiosi fin août 1965, j'y reviens en octobre pour la troisième année primaire, mon père étant parti poursuivre une formation pédagogique à Léopoldville. C'est là que je vécus le putsch de Mobutu du 24 novembre. Cette fois, j'habitais chez mon oncle Paul Valentin Tsakala Mpilamosi sur l'avenue Laurence devenue plus tard Musey. Le père Bernard ayant découvert que je venais presque tous les matins à la messe m'a proposé de devenir servant de messe. Ce qui se fit grâce à Romain Kabasi, Jean-Paul Munganga, Mundele, Kapata, Macaire Ngasia, Pambo, et d'autres. Dès novembre 65, je devins donc servant de messe, luttant contre le latin. "Ad Deum qui laetificat juventutem meam.... Qui fecit caelum et terram" était devenu mon langage. Comme tous les servants, j'avais éprouvé un mal terrible à retenir le "Suscipiat.... Ecclesiae suae sanctae". Dieu seul sait ce que je récitais. Ensuite, m'ayant entendu chanté, le père Bernard me proposa de devenir chanteur dans le groupe des PCDK. Un honneur pour tout enfant de Kenge de l'époque. J'étais donc chanteur deuxième voix de novembre 65 à juin 67. Tout cela avec la contribution ou autour du Père Bernard.
Ma vie à Kenge, comme celle de beaucoup de garçons de mon âge, tournait autour du Père Van den Boom. J'ai encore quelque part une photo passeport qui date de cette époque. Noël Manzanza en a, je le sais. Un événement malheureux a marqué Kenge à cette époque-là: un ami du père, Mr Daniel, avait conduit des jeunes au bac de Kenge II et trois dont Mazumbu sont morts noyés dans la rivière Wamba. C'était en 66 si ma mémoire est bonne. J'ai quitté le groupe alors que les Petits Chanteurs et Danseurs de Kenge se trouvaient en Europe en août 67. Je n'avais pas participé au périple européen à la suite du refus de mon père de nous laisser partir, mon cousin Charles Makiosi, mon oncle Dieudonné Bunda et moi. A la fin de la formation de mon père à Kinshasa, je dus repartir vers Makiosi, puis Kimbau où j'ai continué ma scolarité.
Voyez comme l'impact de ce père a été vital dans mon parcours, du servant de messe à Kenge au séminariste à Kalonda, Mayidi, Rome et au diacre et prêtre à Kenge. Merci Père Ben Van den Boom pour m'avoir montré une partie de mon chemin. Je vais publier quelques emails qu'il m'a envoyés il y a quelques années. J'avais espéré le rencontrer lorsque j'étais à Groningen en novembre-décembre 2013, mais cela ne s'est pas fait. Je l'ai remercié dans mon livre Des transpositions francophones en 2002. Je l'ai aussi cité dans un article sur l'oralité africaine.
Adieu Ben Van den Boom, artiste et homme de culture, compositeur du meilleur Credo qu'il m'a été donné de connaître en kikongo: "Ikwikila Nzambi Tata, ikwikila Nzambi Mwana, ikwikila Mpeve Santu". Paix éternelle dans la maison du Père Céleste.


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